jeudi 17 septembre 2009

El Yazid Kherbache, les chemins de l'art

Les chemins de l'art sont multiples, foisonnants, parfois inattendus... comme le montre l'exposition rétrospective de El Yazid Kherbache actuellement à Nancy.
La récup', la récupération d'objets devenus inutiles, d'emballages, de menus matériaux, l'artiste n'a pas attendu que ce soit la mode pour en faire, et pour en faire quelque chose de merveilleux. Peintre et plasticien, formé au Maroc et en France, il a travaillé des matériaux nobles également, mais il a toujours réalisé cette alchimie des petites choses du quotidien, devenant, par son imaginaire et son talent, de réelles oeuvres d'art. Sa démarche est de partage aussi, il a animé sous l'impulsion d'associations comme Aliscia* des ateliers d'art auprès de publics variés, enfants des écoles, personnes âgées en maison de retraite...

En sortent des jouets faits de bric et de broc, naïfs à première vue, pleins de charme et de fraîcheur, bateaux sur l'eau, petits personnages sur des radeaux ; mais quelque chose de tragique s'en dégage et nous raccroche, nous arrête : c'est que ces embarcations de fortune s'inspirent de l'odyssée des clandestins africains qui échouent et s'échouent, au Maroc où l'artiste a un atelier et vit la moitié du temps. Par sa série de toiles « Bleu clandestin », il a voulu leur rendre hommage, en représentant les radeaux et leurs occupants sur toile en plus de leur création en trois dimensions, afin de les figer, les fixer dans le temps et la mémoire. Les bleus sont magnifiques, et les tableaux sont soulignés de poèmes en langue arabe à la peinture dorée.


L'exposition présente par ailleurs des marionnettes du monde, dont ce derviche tourneur pour qui j'ai eu un coup de coeur, et ce peintre dont j'ai fait une photo (clin d'oeil à un ami).

Je ne sais ce que j'ai trouvé le plus beau, les tableaux au bleu si poignant, ou ces panneaux toilés, tapis, tapisseries, fresques, abstraits et richement colorés, tous différents, composés de matériaux divers, toiles de jute et divers tissus, bouchons, pierres, morceaux de faïence, encastrés, cousus, brodés, peints et composant des mosaïques superbes.

L'expo est visible à Nancy, dans le hall du Conseil Général, jusqu'à dimanche : si vous pouvez, courez-y, c'est encore plus beau en vrai ! Rêve et émotion au rendez-vous.
N'ayant pas mon appareil photo le jour où j'ai eu l'occasion de la voir, j'ai fait à la sauvette quelques clichés avec mon téléphone, excusez donc la piètre qualité des images, mais je voulais les partager ici.


Cath


*Association Lunévilloise pour l'Insertion par le Sport, la Culture et l'Initiative Artistique

dimanche 6 septembre 2009

Festival des Granges 2009

Avec cette 6e édition, le Festival des Granges a pris son rythme et confirme sa place, ses qualités et spécificités : sur le thème des guitares -acoustiques mais aussi de tous styles-, et plus généralement des instruments à cordes, le FDG présente des artistes de renommée mondiale ou plus locale sur le critère des coups de coeur, de l'envie des organisateurs de nous les faire découvrir et partager leur enthousiasme, dans un heureux mélange des styles et des couleurs musicales : blues, pop, rock, jazz, world, folk, chanson...

C'est ce qui fait qu'on l'aime !

D'année en année le FDG rallie un public fidèle, attiré par un artiste ou un groupe, ou bien par la démarche de venir découvrir, s'ouvrir les oreilles et l'horizon en sortant de ce qu'on entend tous les jours.

Intimité et convivialité au programme pour le concert d'ouverture, avec une soirée-grange : et quelle grange ! Sa déco soignée, aux teintes chaudes, donne le ton et nous met dans l'ambiance. La petite scène a changé en partie de décor mais gardé sa forme et sa porte dans l'angle, c'est champêtre et original. Clin d'oeil aux années précédentes avec des restes d'affiches, des noms, des visages...


Pascal nous présente l'édition 2009 et les améliorations apportées au confort des artistes et du public, par les travaux réalisés en cours d'année : la grange devient une vraie salle de spectacle et pourra accueillir d'autres rendez-vous dans l'année...

A suivre !

Pour l'heure, place à 9 concerts en 3 jours !


Jason Hakin ouvre le festival ; songwriter voix et guitare, il est accompagné par Clément Lucas (au cajon et aux choeurs) et Bastien Lucas (au clavier) pour quelques morceaux. Jason Hakin nous présente compos et reprises ; c'est de la pop acoustique superbe, il a une très belle voix. Il ne parle pas français mais essaie... Le soutien rythmique de Clément est apprécié pour appuyer la guitare, et surtout le passage joué à la scie, instrument rare aux sonorités envoûtantes. Belle entrée en matière.


Leur succèdent sur la petite scène Guillaume Ledoux et Cédric Milard, du groupe Blankass. Ils étrennent une formule duo, que je trouve une rudement bonne idée : voix, guitare et clavier mettent en valeur chansons généreuses et autres ballades, histoires de gens qui nous parlent. Guillaume Ledoux a une belle présence, le sourire permanent même pour dire ses colères... C'est un beau moment, vraiment.


Pour clore cette soirée-grange, on débarrasse la scène, ni clavier ni accessoire ni siège, rien d'autre qu'un micro : place au canadien Don Ross, avec sa guitare en bandoulière : il est géant ! Physiquement impressionnant mais c'est un détail, il est surtout guitariste virtuose, époustouflant ! Quelle maîtrise ! J'ai rarement vu (jamais !) un jeu de guitare pareil, il en exploite toutes les possibilités avec une aisance incroyable, en un jeu très libre, aux styles variés : qu'il s'accompagne en chantant, ou interprète des instrumentaux riches et pleins d'improvisation, sa guitare paraît un prolongement de ses doigts, de son corps : l'écouter et le regarder est un moment extraordinaire, on se sent privilégié d'être là ! Fanny et Pascal nous ont invité un phénomène : et avec ça, sympathique, souriant : gros succès et rappel mérités pour cet artiste exceptionnel.


Le lendemain, après une journée ensoleillée, concert sous le chapiteau : j'aime beaucoup la grange, énormément même, mais c'est toujours magique ce chapiteau, rond comme un cirque, avec sa scène bien vaste, l'herbe qu'on foule aux pieds, les toiles tendues, les éclairages et la technique, les impressionnants poteaux de soutien de l'ensemble, l'ambiance quand on y entre, chaude, un peu feutrée... On s'installe comme on peut, assis, debout, en rond. Entre les concerts on attend, on entre, on sort, on retrouve quelqu'un, on va boire un verre : c'est plein de petits moments-plaisir. Mais durant les concerts, on soutient son attention : le public du FDG est particulièrement concentré, respectueux des artistes, et réceptif aussi, il réagit, communique son enthousiasme, c'est très agréable.

La soirée commence en chanson, avec Coline Malice. Elle s'accompagne à l'accordéon et a un musicien avec elle, Antoine Quinet : habituellement il joue du piano, mais pour le festival il a transposé les accompagnements à la guitare, et utilise aussi les percussions. Coline Malice est belle comme un coeur, avec sa robe de gitane, elle a une jolie voix, c'est un spectacle tout en douceur. Les chansons sont sensibles mais inégales, certaines manquent un peu de rythme, de mélodie, d'assurance à mon goût, d'autres sont vraiment très réussies, décollent beaucoup plus.


En deuxième partie arrive Krystle Warren, un petit bout de femme androgyne, seule sur scène, qui me surprend et m'accroche, dès le premier morceau : sa voix est grave, mûre, incroyablement « roots ». Elle chante en anglais, des compos et des reprises, s'accompagne d'une guitare folk au son très doux qui fait presque contraste avec sa voix un peu rauque, son humour et son contact direct, sa détermination. Elle a beaucoup de charisme, et le public est sous le charme : gros succès, applaudissements et rappels en témoignent. En rappel, elle nous fait une reprise d'Eleanor Rigby, dont l'interprétation force le respect et l'enthousiasme. C'est pour moi une surprise, un vrai coup de coeur.


La soirée se termine en beauté, avec Titi Robin en trio : Francis Varis à l'accordéon, Ze Luis Nascimento aux percussions, Titi Robin à la guitare et oud et bouzouki, les trois virtuoses se répondent et se relancent l'un l'autre pour une série d'impros de haute volée, avec beaucoup d'humour et de complicité, on se régale ! Leur musique touche à tous les styles, le jazz manouche teinté de sonorités orientales par moments flirte avec les musiques de bal et d'autres aussi, on a l'impression de voyager et cependant de retrouver un répertoire familier, sans cesse revisité pour mieux nous dérouter et nous emporter. C'est un spectacle brillant, subtil, un émerveillement. Le public ne s'y trompe pas, et le succès est éclatant. Titi Robin était déjà venu au FDG : qu'il revienne autant qu'on veut, on adore !

Pour la dernière soirée et pour clore le festival, on attend Elliott Murphy, qui était déjà venu lui aussi et nous avait enthousiasmé. Mais avant cela, deux surprises nous intriguent beaucoup : qui est Amar Sundy, et surtout, que va donner Sapho en interprète de Ferré ?


Avec son groupe, Amar Sundy conquiert le public d'emblée, par sa musique ensoleillée, son groove coloré, rythmé, ajoutant au blues sa couleur touareg et des sonorités chaleureuses, c'est très réussi. Un peu électrique pour moi qui aime plus les ambiances acoustiques, je mets du temps à y entrer mais je suis charmée, c'est très beau.

Le décor est installé, et l'on attend Sapho. Ce n'est pas énorme mais c'est déjà évocateur et très classe, ce décor : quelques voiles noirs tendus, une banquette, un éventail...


« Il n'aurait fallu / qu'un moment de plus / pour que la mort vienne /

Mais une main nue / alors est venue / qui a pris la mienne... »


Sapho entre en scène et déclame ce texte magique, puis d'autres : le temps est suspendu, le moment grandiose. Elle est accompagnée avec beaucoup de talent par un guitariste flamenco, Vicente Almaraz (et pour quelques morceaux par un percussioniste) ; le fil rouge du spectacle, son inspiration est la chaleur du flamenco andalou, ses sonorités, ses postures, esquisses de mouvements de danses, puis plus au sud, le Maroc... Sapho ne se contente pas de chanter ou de réciter Ferré, elle l'interprète avec maestrio, c'est une vraie actrice, elle recrée ses textes en les mettant en scène avec à la fois beaucoup de respect et de fantaisie, de liberté de ton, c'est un bonheur. C'est une grande dame, impressionnante, et aussi très chaleureuse dans son contact avec le public. Le public est conquis, connaisseur, très concentré, réagit aux textes et à leur interprétation, lui renvoie son appréciation et exprime son plaisir à Sapho qui le reçoit et le capte bien, comblée. Elle termine évidemment par « Avec le temps »... en français, (mais avec un clin d'oeil à la fin, jouant du « s » final qu'elle prononce : « On aime pluss !... ») et puis, en rappel, elle nous le fait en arabe ! Cela surprend un instant, mais Sapho, qui est marocaine d'origine, en fait quelque chose d'évident, et c'est superbe. Un magnifique spectacle, passionnant de bout en bout.


Le public en est un peu abasourdi, et cependant passe avec autant de coeur au folk-rock endiablé (et qu'on aime tellement) d'Elliott Murphy ! Tout le monde est debout à danser, dans une ambiance de fête, l'acclamant jusqu'à des prolongations encore et encore, lui et ses musiciens finissant en acoustique au bord de la scène, au contact du public toujours enthousiaste...

Encore une grande soirée !

Et ne me demandez pas de choisir, entre les trois, celle que j'ai préférée, vous allez me mettre dans des casse-tête infinis ! Je préfère garder les souvenirs et la musique en tête, et projeter de revenir l'an prochain...

Vous aussi, peut-être ?


Cath

09 2009


PS : Pour une fois, je ne suis pas toute seule à faire un p'tit CR du FDG ! Ça me fait bien plaisir, c'est très sympa de lire d'autres impressions, pas forcément le même avis sur tout mais justement, c'est intéressant : c'est ici.